Caractérisation du genre des textes administratifs dans les environnements numériques de travail

NOTES DE LECTURE
Les genres de documents dans les organisations
Sous la direction de Louise Gagnon-Arguin, Sabine Mas et Dominique Maurel
Presse universitaire du Québec, 2015

(chapitre 3, p. 49-68)

Inge Alberts, qui a déjà consacré un travail de thèse à la thématique dans l’ouvrage suivant :
Alberts, I. (2009). Exploitation des genres de textes pour assister les pratiques textuelles dans les environnements numériques de travail : le cas du courriel chez des cadres et des secrétaires dans une municipalité et une administration fédérale canadiennes. École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal, 383 p. (Thesis in PDF – French)

Elle illustre l’usage du genre dans le contexte de l’utilisation de la messagerie. Plus particulièrement, elle se propose « d’examiner les critères définitoires qui permettent de caractériser le genre des textes administratifs dans les environnements numériques de travail, tout en démontrant son potentiel pour la discipline archivistique ».

Elle introduit son chapitre par la difficulté liée à la définition du genre car « les genres ne sont pas que de simples conventions ; ils sont aussi une manière d’envisager la réalité. […] Cette perspective […] occasionne un inconvénient majeur : employé suivant des objectifs variés, le concept de genre est rarement défini et, dans le meilleur des cas, les définitions présentées sont floues. »

Tentant de contourner l’obstacle elle propose un faisceau de quatre critères distinctifs du genre :

  • Régularité de la forme et du contenu
  • Présence d’une fonction normée
  • Degrés de formalisme et d’abstraction
  • Hybridisme et fonctionnalités

Elle développe ensuite ces quatre points, développement où je relève les constats suivants :

Selon Rastier (2001), il importe de distinguer le genre du type. Le genre serait un principe classificatoire plus stable que le type, à la jonction d’un palier supérieure qui comprend « le discours et les pratiques qui leur correspondent » et d’un palier inférieur – les sous-genres qui sont définis « par diverses restrictions qui intéressent soit le plan de l’expression (par ex. le roman par lettre, le traité versifié), soit celui du signifié ».

Crowston et Williams (2000) démontrent, par une analyse du Web, différents patrons d’évolution propres au genre : soit les genres en format numérique reproduisent les genres en formats papier, soit ils s’adaptent par l’ajout de fonctionnalités propres au numérique, soit ils constituent des formes de communication émergentes.

Pour obvier à ces difficultés théoriques, Alberts propose une analyse pratique de deux administrations publiques canadienne à travers différentes méthode, qui lui permettent de produire des tableaux instructifs.

Le premier tableau est tiré de l’analyse des journaux de bord des employés (17 cadres et 17 secrétaires / 628 document associés à 254 genres différents). Il permet plusieurs constats.

Parmi les 18 genres les plus cités on remarque une présence écrasante du courriel qui représente 25% du volume des documents (160 occurrences alors que les autres genres cités s’étagent entre 8 et 36 occurrences).

L’autre constat tient à la nature des titres qui sont très variables et justifient le tableau suivant, détaillant les caractérisations formelles du genre, avec une répartition large sur 7 types de critères avec une prédilection marquée sur la forme, le format, le modèle (27/55 occurrences). Parallèlement aux critères formels les critères de contenu sont aussi régulièrement utilisés. La caractérisation de la fonction du genre (Outil, instrument, moyen / Action / Façon de faire et de travailler, procédure, standard de travail / Support au processus) indique une vision beaucoup plus contrastée entre les cadres et les secrétaires et le poids des différents critères. Cela semble indiquer que cette spécificité du genre n’est pas encore intégrée dans les habitudes bien qu’un lien soit clairement établi entre la présence des genres et la réalisation des étapes d’un processus.

Alberts termine son chapitre sur la dimension pragmatique du genre (5.1) et son rapport avec l’archivistique (5.2). A cause de sa dimension pragmatique, « l’interprétation du genre est donc tributaire des points de vue collectif et individuel dans un milieu donné. […] le genre facilite l’organisation des ressources nécessaires à la réussite d’un objectif commun. A ce titre, le genre agit comme mécanisme régulateur des actions collectives, contribuant à la réussite des efforts de collaboration. […] En tant que déclencheur cognitif, le genre agit également sur le lecteur d’un document en lui fournissant une foule d’information utile à la réalisation de ses tâches. »

En ce qui concerne l’archivistique elle conclu que l’étude révèle un lien indissociable entre le genre et le document d’archives. J’en extrais trois citations qui clôturent son texte.

« Avec la dématérialisation de l’information électronique, la notion de document comme principe structurant disparaît au profit du genre (Bazerman, 2012, p. 382) ». Je reviendrai dans un autre billet sur l’article de Bazerman en question car je ne partage pas cette conclusion, ou du moins la trouve simplificatrice.

« L’identification des documents qui ont une valeur pour l’organisation passe nécessairement par une analyse des activités de travail. Si les documents d’archives sont associés aux activités, la nature de ce lien fait généralement peu consensus (Yeo, 2010, p. 99) ». Yeo pose ici clairement que la connexion du genre et de l’activité est essentiel mais souligne à quel point nous sommes encore peu au clair dans ce que cela signifie dans le détail.

« Pour l’auteur (Yeo), la notion archivistique d’activité peut être rapprochée de l’acte de langage, puisque tout deux conduisent à un document d’archives (ou records) qui représente cette action sans pour autant être l’action per se (Yeo, 2010, p. 101). C’est ici qu’un lien intéressant peut être établi avec le genre, qui est une catégorie conventionnelle du discours basée sur la normalisation des actions rhétoriques qu’il véhicule. On pourrait donc envisager les processus de travail comme une chaîne d’action ou comme des actes de langage normalisés qui seraient représentés par un ensemble de genre. En exploitant le genre et les actions sociales qu’il véhicule, on pourrait assure une meilleure stabilité dans la classification des documents d’archives, tout spécialement pour les textes en format numérique (Oliver et al. 2008, p.297). ». J’espère pouvoir revenir sur cet article qui traite plus spécifiquement sur l’impact des genres sur l’archivage.

A propos regarddejanus

Archiviste, Record-manager et enseignant
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